Sauvagerie urbaine et jardins : quelques hypothèses [1] . Luc Lévesque Lieu d’expression privilégié de la relation qu’entretient l’homme avec son environnement, le concept de jardin semble avoir traversé les temps sans remise en question profonde. Je dis bien semble, car cette relative stabilité référentielle peut laisser perplexe face aux mutations majeures qui ont notamment bouleversé, au cours du siècle dernier, les modalités du rapport culture/nature. C’est précisément cette apparente persistance qu’il nous apparaît ici important de questionner, à la lumière des transformations qui infléchissent actuellement nos façons de voir et de vivre le monde contemporain. Dans un contexte d’urbanisation extensive et de « globalisation du virtuel [2] » le jardin peut-il encore se confiner à constituer le refuge d’une nostalgie toujours vivante pour le paradis perdu? Ce serait là amoindrir de beaucoup le rôle potentiellement critique du jardin. Sans renier les vertus réconfortantes de cette tradition fermement ancrée dans la psyché occidentale, il serait important de se confronter aussi à ses implications paradoxales. Le modèle d’une nature pacifiée, contrôlée et asservie aurait atteint une ampleur dont les répercussions ne peuvent être éludées par l’art des jardins. Si le jardin, en tant que nature réorganisée, s’est notamment construit à l’origine comme une médiation par rapport à une nature sauvage menaçante, le renversement actuel du rapport de force unissant ces termes appelle un changement de perspective. C’est dans ce contexte que la notion de sauvagerie urbaine paraît pertinente pour penser le jardin d’aujourd’hui. D’après la proposition théorique des « trois natures [3] » remise de l’avant par John Dixon-Hunt, le jardin constitue une troisième nature magnifiée par l’art et liée par mimesis aux deux autres ; une deuxième nature, maîtrisée à des fins principalement pragmatiques et correspondant à ce que l’on désigne habituellement comme la campagne ; une première nature, rattachée à un état sauvage et idéalement vierge. Attardons-nous un peu à ces deux dernières. Quels sont les rapports que l’on entretient aujourd’hui avec celles-ci ? Quelles sont leurs possibles incidences sur l’art des jardins ? Exceptions faites de certains emportements sporadiques et souvent catastrophiques, l’horizon de ce qui reste de nature sauvage ne constitue plus qu’une menace indirecte pour l’humanité, celle de sa destruction potentielle par le développement effréné d’une civilisation qui générerait désormais son propre péril. De menace, la nature sauvage est passée au statut de menacée. Dans ce qui apparaît peut-être comme le meilleur des cas, on la met en réserve et la protège d’impures intrusions comme on le fait des mauvaises herbes pour un jardin d’apparat. Dans le pire des cas, on la laboure et l’exploite sans ménagement à la manière des monocultures agricoles. La forêt terrible, grouillante et hérétique du Moyen-Âge est ainsi aujourd’hui purgée de sa malsaine profusion par un jardinage intensif et lourdement mécanisé. Le terme de jardinage n’étant pas ici une figure de style mais un terme propre à la sylviculture qui en naissant au début du siècle dernier témoignait, dans le cas de la forêt, du passage d’un statut de première nature à celui de seconde. Le Wilderness [4] jadis lointain, inaccessible et mystérieux n’a d’autre part jamais été aussi virtuellement proche. Accessible par une gamme variée de moyens de transports rapides, il constitue un argument publicitaire et une cible de choix pour un tourisme de masse hautement organisé. Scrutée et présentée dans ses moindres détails par un assortiment toujours plus vaste de véhicules médiatiques, la nature sauvage est désormais à la portée de la plupart des foyers. La distance spatiale abolie, on s’est attaqué récemment à réduire la barrière du temps au moyen des nouvelles technologies de modélisation informatisées. L’exemple de la série hyperréaliste Sur la terre des dinosaures, réalisée par la BBC en 1999, en témoignait de façon frappante, nous catapultant avec un naturel désarmant dans le quotidien d’un bestiaire terrifiant éteint depuis plus de 100 millions d’années. Enfin, pour expérimenter physiquement l’idée de première nature sans les aléas du voyage et de l’inconfort de conditions climatiques instables, on la simule désormais plus vraie que nature dans des reconstitutions concrètes entièrement contrôlées à des fins de sensibilisation didactique comme au Biodôme de Montréal, ou purement hédoniste, comme à l’Ocean Dome du Segaia Resort au Japon, où les heureux baigneurs sont assurés d’une plage à l’abri des intempéries et des vagues dangereuses à quelques centaines de mètres d’une côte maritime jugée vraisemblablement trop capricieuse. Ces exemples témoignent de la profonde mutation qui s’est opérée dans notre rapport à la première nature. Hypermédiatisée, exploitée ou protégée, celle-ci ne subsisterait peut-être plus aujourd’hui que comme image, étant depuis un certain temps passée au stade de seconde et même de troisième nature. Si elle conserve en apparence les attraits bucoliques du terroir, la campagne ou seconde nature constitue de plus en plus dans les faits une aire de production industrielle soumise aux diktats fluctuants et déterritorialisés découlant de la globalisation des marchés. L’ambition antique de transformer en « pays-jardin [5] » « l’affreux pays » entourant les murs de la cité se serait matérialisée, mais pas nécessairement pour le meilleur, si on en juge notamment par l’appauvrissement biologique d’un milieu agricole risquant dans un proche avenir de pousser la monoculture à l’échelle de l’uniformité génétiquement contrôlée. Le processus de re-création d’une bonne nature aura atteint là un degré de sophistication dangereusement puissant : celui d’une violence efficacement camouflée par l’idée persistante d’une campagne archétypale. Le double registre, esthétique et utilitaire, associé de façon commune au jardin trouve dans la seconde nature une expression probante. Accoler la notion de jardin à la toponymie territoriale rurale consacre l’image d’un mythe pastoral fermement enraciné dans la tradition occidentale et formant aujourd’hui un argument de promotion touristico-commerciale de premier ordre. C’est ce même mythe qui alimentera le projet de Cité-Jardin qu’Ebenezer Howard conçoit au début du siècle dernier dans l’espoir de combiner « la beauté et les plaisirs de la campagne » aux avantages de la vie urbaine [6] . Cette quête prendra notamment en Amérique une ampleur paradigmatique dans le développement des banlieues résidentielles de l’après-guerre de même que dans les modes d’implantation de certains sièges sociaux de grandes entreprises. Fuyant des centres-villes jugés malsains et dangereux, on colonise la campagne périphérique grâce au développement d’importantes infrastructures routières qui font d’ailleurs leur chemin en tranchant sans ménagement dans les tissus urbains existants. Peter G. Rowe propose le concept de « pastoralisme moderne » pour décrire la bipolarité de ce mode d’aménagement qui relie une perspective pastorale idéalisant le pittoresque de la vie à la campagne à une vision technique propre aux préoccupations instrumentales de la science moderne [7] . Une tension qui conférerait, selon Rowe, à ce modèle idéologique un puissant potentiel critique et progressiste parce que favorisant l’équilibre entre préoccupations esthétiques et productivistes. Si on ne peut qu’être sensible à cette quête vertueuse d’équilibre, cette quête tend à constituer en réalité un redoutable leurre. Comme l’admet lui-même Rowe, la bienveillante façade pastorale sert souvent, en fait, de masque à des réalités bien moins agréables. En reprenant de façon critique la formule « the machine in the garden [8] », que Leo Marx avait auparavant proposée pour illustrer ce modèle, on pourrait dire que le jardin n’est bien souvent qu’un séduisant déguisement occultant la violence inhérente à la machine. Des films comme Blue Velvet de David Lynch (1986) ou plus récemment Happiness de Todd Solondz (1998) ont d’ailleurs bien mis en évidence les dérèglements qui se cachent derrière le mirage arcadien de la verte banlieue, pendant urbanisé de la seconde nature. Que conclure de ces quelques observations sommaires sur le sens que paraissent prendre aujourd’hui les première et seconde natures en rapport à la notion de jardin? Il nous semble que l’horizon stratégique par lequel peut se définir aujourd’hui le jardin ne passe plus nécessairement directement par ce que l’on considérait habituellement comme le Wilderness ou la campagne. Ou plutôt, en d’autres mots, qu’il faille pour se rebrancher à ce que ces réalités incarnent, par delà le brouillage des simulacres, se frotter à quelque chose qui tend à résister encore à la virtualisation. Un quelque chose qui se rapprocherait de ce que pouvait être la nature sauvage lorsqu’elle constituait encore une entité inquiétante et brute défiant la civilisation. Un quelque chose qui ne serait plus tant à chercher dans le lointain que dans une proximité redécouverte et réinvestie dans l’engagement du corps et l’ouverture de l’imaginaire. Ce quelque chose qui émerge au cœur des étendues urbanisées, comme absence ou profusion, jungle ou désert, nous l’appelons sauvagerie urbaine. Ce peut être un bloc de béton et les pratiques de socialisation qu’il génère, le no man’s land crée par une autoroute, l’expérience du sentier traversant une friche au coeur du centre-ville, une fissure dans l’asphalte et bien d’autres choses encore. Disons qu’il s’agit d’une géographie interstitielle où s’entrechoquent brutalité moderne, coriacité rudérale et urbanités [9] . La forêt obscure et sauvage peinte par Thomas Cole en 1836 (The Oxbow) resurgit aujourd’hui de la rugosité de l’underground urbain, comme par exemple, dans l’installation Les Pruches réalisée à Montréal en 1990 par Philippe Poullaouec-Gonidec et Claude Cormier [10] . C’est par ailleurs et de façon paradoxale, la franche barbarie issue des excès de confiance du modernisme qui tend notamment à recréer dans son sillage des impressions proches de celles que pouvaient provoquer naguère les contrées les plus sauvages. Les espaces riverains des infrastructures autoroutières construites dans les années 60-70 en constituent des exemples types. L’aspect qui rapproche le plus ces environnements urbains plus ou moins hostiles de la première nature est sans doute leur réelle authenticité. Point de masques pour tenter de faire passer les faits pour autre chose que ce qu’ils sont. Les cicatrices demeurées ouvertes laissent place, par contre, lorsqu’on les assume, à la possibilité d’une libre expérimentation, et c’est bien là une des qualités les plus intéressantes de ces environnements de prime abord rébarbatifs [11] . La sauvagerie urbaine serait donc à la fois le milieu qui résiste à la domestication, l’effort pour l’apprivoiser et l’espacement rendant possibles de nouveaux regards, de nouvelles expériences critiques du monde [12] . À la différence de la manière dont on a pu longtemps concevoir notre rapport à la première nature, on ne peut dominer la sauvagerie urbaine comme si elle constituait une donnée exogène à la civilisation. Elle en constitue un produit extrême et cru. Cette émergence hybride du sauvage dans la ville ne se limite d’ailleurs pas à un phénomène de géographie purement physique ou biologique. Elle se diffuse et se métamorphose en un ensemble de pratiques culturelles qui puisent à même ses virtualités et contribuent à en faire un paysage vivant. On pense ici aux univers des musiques alternatives, du skate, et du graffiti ainsi qu’à la résurgence d’une esthétique corporelle néo-primitive proprement urbaine. Mais c’est aussi dans le champ général de l’art, une gamme variée d’artistes qui ont contribué ou contribuent toujours à la création paysagère d’une sauvagerie urbaine contemporaine. Le ready-made de Duchamp, le travail du déchet d’un Schwitters, la dérive situationniste, le « recyclage poétique du réel urbain [13] » opéré par les Nouveaux Réalistes, le cinéma d’un Antonioni ou d’un Wenders ne sont que quelques-uns des jalons formant un substantiel corpus. Il faut de même prendre en compte, de façon plus spécifique et actuelle, les différentes pratiques artistiques d'interventions urbaines que Patrice Loubier désigne sous le vocable de «signes sauvages [14] ». Pratiques dissolutives tablant sur l'indiscernabilité du caractère artistique, manœuvres in situ, installations illicites, disséminations anonymes, infiltrant discrètement le tissu relationnel de la ville et ses interstices [15] . C’est par exemple à Montréal, l’installation éphémère d’un Robert Prenovault (Territoires simultanés,1994) qui, en installant sur la pierraille d’un terrain vacant un fragment de friche palissadé et un personnage solitaire, attise des appropriations confirmant qu’il y a bien simultanéité du désert et de la jungle dans la ville [16] . C’est la villégiature posturbaine [17] d’un Jean François Prost (Chambre avec vues,1998) qui monte, démonte et habite sa cabane goudronnée à l’orée de la forêt en Estrie et sur un terrain vague en plein centre-ville montréalais, faisant se chevaucher, à travers vues différées et vie concrète, les espaces/temps de la sauvagerie urbaine et d’une nature presque sauvage [18] . Ou encore, c’est James Partaik (Par leurs os,1998) qui, à Saint-Félicien, enregistre les cris des fauves en cages du zoo local et les fait émerger des bouches d’égout de la ville [19] . Mais enfin, en parallèle à ces différentes médiations esthétiques, c’est aussi dans l’expérience quotidienne de la topographie urbaine que peut faire irruption la mémoire perceptuelle d’un Wilderness lointain confortant l’idée de sauvagerie urbaine. Parcourir, par exemple, un terrain vague l’automne les yeux machinalement rivés au sol, peut nous catapulter sans trop d’efforts pour quelques instants dans l’univers nordique de la toundra. Si l’expérience de la sauvagerie urbaine peut nous ramener à la rudesse lointaine de la nature sauvage, elle ne peut, par ailleurs, être assimilée à l’insertion méthodiquement planifiée de fragments de nature dans la ville comme peut le constituer, par exemple, le patrimoine des grands parcs urbains. La sauvagerie urbaine n’est pas l’opposé de la ville, elle en serait plutôt virtuellement le paroxysme. Si elle n’est pas a priori écologiquement exemplaire, elle nous confronte cependant de façon très concrète avec ce qui tendrait ailleurs à être camouflé par différents subterfuges. La sauvagerie urbaine n’est donc pas seulement la touffe d’herbes folles qui émerge de la chaussée, mais aussi le sol contaminé dans lequel elle prend racine, le stationnement asphalté où elle s’est frayée un chemin, le skater qui roulant à toute allure l’évite de justesse, les promeneurs arrêtés à proximité qui observent un graffiti sur un pilier de béton, l’autoroute passant au-dessus. Mais comment et vers quoi cette sauvagerie urbaine pourrait-elle alimenter l’art des jardins ? La notion d’interstice peut probablement ici aider à penser cette relation. D’abord, parce que l’interstitiel décrit bien le mode d’émergence de la sauvagerie urbaine et le rapport qu’elle entretient avec la ville. Et d’autre part, parce que malgré les apparences, l’interstice peut se lier à certains attributs habituellement associés au jardin. Mais, qu’entend-on par interstice ? Et quelle voie lui permettrait de faire le pont entre jardin et sauvagerie ? Les sociologues urbains Jean Rémy et Liane Voyé relient, dans le contexte de la ville contemporaine, l’espace interstitiel à la notion de secondarité. L’interstice ne prendrait sens que par rapport à la primarité du pouvoir, vis-à-vis duquel « il est une possibilité d’écart, de mise à distance (…) possibilité de faire et d’être autre chose et de multiples choses » [20] . La parenté de la sauvagerie urbaine et de l’interstitiel est ici bien tracée. La sauvagerie que sécrète la ville offre et incarne la possibilité d’une distance critique par rapport à la mise en ordre urbaine. Cette condition d’espacement caractérisant la relation de l’interstice à ce qui l’englobe pourrait être rapproché de ce que représente originellement pour le jardin le microcosme de l’enclos ou le tracé de la limite. L’interstice, comme le jardin, se définit par rapport à son dehors. Un point marquant semble pourtant dissocier la notion d’interstice proposée par Remy et Voyé du sens conféré traditionnellement au jardin. Si l’interstice est un foyer d’indétermination par rapport à la rectitude de l’ordre urbain, le jardin serait plutôt considéré comme l’espace d’une réorganisation ordonnée du monde plus ou moins informe qui l’entoure. Ces deux vecteurs paraissent irréconciliables. Mais pourtant. Face à l’emprise de l’apparente domination du monde opérée par les sociétés contemporaines, le jardin ne pourrait-il pas constituer un interstice permettant de questionner les rhétoriques ambiantes, un laboratoire processuel pour des modalités plus ouvertes d’agencement et d’appropriation ? Suivant cette perspective et selon les correspondances explicitées plus tôt, l’art du jardin peut incarner deux principales options par rapport à une sauvagerie urbaine interstitielle : l’occuper en la requalifiant in situ par médiatisation esthétique ou s’y alimenter en ré-articulant certaines de ses composantes matérielles ou phénoménologiques Au moment où la virtualisation de nos rapports au monde s’accentue, le jardin peut constituer un formidable instrument pour se connecter au réel et en explorer les potentialités. Ce que la sauvagerie urbaine nous apprend, c’est notamment la redécouverte du corps et de l’effort à travers l’expérience d’une réalité encore brute à apprivoiser. Si cette réalité, livrée à nue dans la géographie interstitielle de la ville, n’est pas à l’image de l’Éden, elle reflète par contre fidèlement les forces et les contradictions que nos sociétés tendraient à masquer. Explorer créativement cette réalité, c’est pour le jardin aujourd’hui, une façon d’assumer un rôle critique, une manière d’infléchir notre attention aux petites choses, à la vie qui s’infiltre malgré l’adversité, au sublime qui émerge de la rencontre des extrêmes. Le jardin pourra ainsi, peut-être, constituer un laboratoire pour les urbanités hybrides de demain. Luc Lévesque, 2000. [1] Ce texte constitue un extrait légèrement remanié d’une conférence donnée au Musée d’art contemporain de Montréal en 2000. Pour la version intégrale, voir : Luc Lévesque, « Sauvagerie urbaine et jardins; quelques hypothèses », in Art et jardins. Nature / Culture, Actes du colloque Art et Jardins, Musée d’art contemporain de Montréal, Montréal, 2000, p.129-140. [2] Paul Virilio (entretien avec Adrien Sina), « L’urbanité virtuelle, l’être-au-monde au temps réel », in Inter art actuel, no 65, Québec, 1996, p. 49. [3] John Dixon Hunt, L’art du jardin et son histoire, Paris, Éditions Odile Jacob, 1996, pp.26-30. [4] Pour une étude exhaustive sur l’évolution de cette notion, lire notamment : Max Oelschlager, The idea of wilderness.: from prehistory to the age of ecology, New Haven, Londres, Yale University Press, 1991. [5] Piero Camporesi, Les Belles Contrées, naissance du paysage italien, Paris, Gallimard, 1995, p. 85. Voir aussi : Alain Roger, Court traité du paysage, Paris, Gallimard, 1997, pp. 79-82. [6] Ebenezer Howard, Garden Cities of To-morrow (1898/1902). Voir aussi : Jean-Pierre Le Dantec (dir.), Jardins et paysages. Textes critiques de l’antiquité à nos jours, Paris, Larousse, 1996, pp. 332-333. [7] Peter G. Rowe, Making a middle landscape, Cambridge, Londres, MIT Press, 1991, pp. 232-247. [8] Leo Marx, The Machine in the Garden : Technology and the Pastoral Ideal in America, New York, Oxford University Press, 1964. [9] Peter G. Rowe utilise le terme « urban wilderness » en l’associant à la face démoniaque, chaotique et babélienne de la vie urbaine contemporaine. (Peter G. Rowe, op. cit., pp. 244-247). Il y oppose la vision paradisiaque d’un paysage cohérent et contrôlé résultant d’un équilibre souhaité entre pastoralisme et technique moderne. Stigmatiser ainsi ce qui n’apparaît pas s’intégrer à l’image d’un ordre idéalisé me paraît constituer une approche dangereusement réductrice. Et si l’urbanité trouvait dans Babel un terreau plus fertile que dans les décors vertueux supposés la servir? En proposant la notion de sauvagerie urbaine, il ne s’agit pas ici de faire l’apologie du désordre ou de la désolation, mais de s’attarder aux potentiels constructifs et critiques que cette condition est susceptible d’incarner par delà les stéréotypes cosmétiques et hygiénistes. [10] Sur cette installation éphémère réalisée au défunt Bar Business (Jacques Rousseau, architecte), lire Philippe Poullaouec Gonidec, « Les Pruches : la forêt enchantée… », in Trames , vol. 2, no 3, Montréal , 1990, pp. 77-78. [11] Dans le même sens, Kevin Lynch, avec le concept d’open space, a défendu la nécessité d’espaces non programmés ouverts au changement, aux manipulations spontanées, à la destruction, au risque de l’aventure et à l’ambiguïté. C’est ce qui lui faisait, dire, suivant cette perspective, qu’un « terrain à l’abandon peut être préférable à un jardin de roses. » Kevin Lynch, « The city as environment » (1965), in City sense and city design. Writings and projects of Kevin Lynch, Tribid Banerjee et Michael Southworth (ed.), Cambridge, Londres, MIT Press (1990), 1991, p. 93. [12] Cette conception de la sauvagerie se rapproche de celle avancée par Daniel Le Couedic. Cette auteur critique autant les chantres urbains de l’ordre géométrique, dans leur vaines et regrettables tentatives d’éradication de la sauvagerie, que les adeptes d’un certain totalitarisme écologique prônant une « renaturalisation » radicale de la ville. La sauvagerie urbaine ne se limite pas aux substrats naturels que l’on trouve dans la ville mais elle est liée, de même, à un « imaginaire de la nature » transposé à « l’artifice » urbain. L’antagonisme constant entre ordre et sauvagerie constitue un élément essentiel de la dynamique urbaine. La notion de « sauvagerie urbaine » que je propose intègre cette tension bipolaire et ne peut en conséquence être réduite à l’un ou l’autre des termes. Elle évolue précisément dans l’espace critique qui s’immisce, pour reprendre les termes de Le Couedic, « entre pacification et résistance ». Voir à ce propos : Daniel Le Couedic, « La nature et la ville : entre pacification et résistance », in Guy Mercier et Jacques Bethemont (dir.), La Ville en quête de nature, Sillery, Septentrion, 1998, pp. 45-63. Cedric Lambert, « Nature et artifice : essai sur quelques formes de leurs rapports dans la culture urbaine », in Espaces et sociétés, no 99 (la nature et l’artifice), Paris, Montréal, L’Harmattan , 1999, pp. 109-111. [13] Pierre Restany, 60/90 Trente ans de Nouveau Réalisme, Paris, La Différence, p.76. [14] Patrice Loubier, « Du signe sauvage. Notes sur l’intervention urbaine », in Inter art actuel, no 59, Québec, 1994, pp. 32-33. [15] Lire à propos de l’œuvre d’art relationnelle comme interstice social : Nicolas Bourriaud, Esthétique relationnelle, Paris, Les presses du réel, 1998 . [16] Voir à propos de cette œuvre: Jacqueline Mathieu , « Les territoires simultanés de l’art » in Espace, no 27, Montréal, 1994, pp. 23-25. Pauline Morier, « Territoires simultanés. Étude sur un terrain vague » in Esse, no 24, Montréal, 1994, pp.16-20. [17] J’ai proposé en 1996 (Inter art actuel, no 65) l’expression « villégiature posturbaine » pour suggérer un regard moins négatif sur la désintégration relative des centres urbains. L’émergence du sauvage au cœur des restes de la centralité appelle le développement d’un autre type de villégiature se manifestant par l’appropriation nomade des interstices. Le terme post-urbain a été proposé par Françoise Choay (« L’histoire de la méthode en urbanisme », in Annales ESC, juillet-août 1970 ) dans un sens proche à la notion de post city age développée par Melvin Webber («The Post City Age », in Daedalus, Vol. 67, no 4, automne 1968). Ce terme décrit pour reprendre les termes de Choay une condition où « les villes traditionnelles sont en désintégration au profit d’une urbanisation généralisée et diffuse ». Plus récemment, la notion a été notamment reprise par Anthony Vidler dans The architectural uncanny, Cambridge, Londres , MIT Press, 1992. [18] Voir à propos de cette œuvre: Jean-Francois Prost, « Journal de bord », in Inter art actuel, no 72, Québec, 1999, pp. 34-36. Patrice Loubier, « Des espaces conviviaux », in ETC Montréal, no 49, 2000, pp. 6-12. [19] Voir à propos de cette œuvre : Guy Sioui-Durand, « Art des villles, art des champs », in Inter art actuel, no 72, Québec, 1999, pp. 54-55. [20] Jean Rémy, Liliane Voyé, Ville, ordre et violence. Formes spatiales et transactions sociales, Paris, PUF,1981, pp. 71-73.
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